Cet homme ne fête plus ses anniversaires pour se convaincre qu’il a toujours 35 ans. Citant avec malice les conseils d’un acteur de 88 ans : « Je ne laisse pas rentrer le vieux Monsieur en moi. Il faut le laisser dehors. »
Enfant, il a reçu de ses parents la liberté, la créativité mais aussi la discipline. Courir sur les traces de son père rugbyman tous les matins en se levant à 6 h au Cap, en Afrique du Sud, sur Table Mountains ou ailleurs. Rentrer tous les jours à 18 h, « dans le même état que tu es parti » demande sa mère.
Pour Mike Horn, deux choses sont importantes : L’attitude, positive ou négative par rapport à la vie et aux autres. Ensuite l’énergie que l’on met dans l’action, dans son engagement. Forcément, en étant positif, l’énergie s’autoalimente davantage.
Il raconte l’armée, avec une rigueur d’entraînement qu’on imagine implacable. Quelques chiffres résument ces années cicatrices. Enrôlement dans les forces spéciales. 4000 recrues, qui, après périodes d’exercices, deviennent 400, puis 40 pour finalement terminer en petit groupe de 4 hommes envoyés à la guerre en Angola. S’il est le seul à être rentré, c’est qu’il n’était pas là-bas pour faire la guerre mais pour rester en vie. « La façon de penser est importante. »
Un leitmotiv récurrent dans ses évocations. Rester vivant. Une obsession qui se nourrit de connaissances choisies, intégrées. Comme quand il part descendre l’Amazonie, 7 000 km seul, à pied, en pirogue, à la nage, durant des mois, croisant des tribus oubliées, côtoyant des caïmans dont la grandeur détermine si tu le bouffes ou si lui te bouffe, luttant contre les piqûres de bêtes H 24. Avant le départ, il s’intéresse seulement à ce qui peut le tuer et ce qu’il peut manger. Le reste est inutile à savoir, ça libère la tête en évitant les confusions. Rester en vie. Impressionnant, l’aboutissement du périple forcené sur une minuscule lagune de sable au milieu d’une embouchure de 320 km de large.
C’est qui cet homme qui, pour oublier le harcèlement éreintant des moustiques, décide de faire le tour du Pôle Nord en rentrant d’Amazonie ? « C’est nous qui décidons, une fois la décision prise, il faut faire le premier pas. C’est parfois le plus difficile. »
Et va pour le Pôle Nord et ses 12 000 calories/jour nécessaires pour survivre. Encore une fois, l’examen pragmatique des conditions impératives pour rester en vie. Ingurgiter chaque jour l’équivalent d’une semaine de nourriture hebdomadaire de l’urbain de base. Vital pour marcher des mois dans des températures quotidiennes tombant parfois à – 60 °. S’entraîner à boire 1 litre d’huile d’olive par jour. Prendre 16 kg avant le départ, en avoir perdu 24 à l’arrivée. Après plus de 2 ans, l’odyssée s’achève sur une rencontre insensée. Vassilia, un russe oublié au goulag en Sibérie qui survit seul depuis 16 ans dans un village fantôme. Un sujet de film, sauf que c’est la vraie vie de cet homme-là qui parle ou peut partager en 7 langues dont le russe.
Rassasié d’épreuves ? Non ! Il y a encore d’autres paris fous, le Pôle Nord de nuit, cette fois à deux, avec un autre aventurier de l’impossible, le norvégien Borge Ousland. Des 8 000 m de la chaîne Himalayenne, sans assistance respiratoire. La voile sur les mers du globe.
C’est qui cet homme qui se mesure aux extrêmes, aux extrémités du monde ? Le plus grand fleuve, les plus hauts sommets, les plus grands froids, avec toujours cette volonté enragée qui pulse à l’intérieur : rester vivant.
« La vie va me dire quand je suis vieux. »
Alors que Mike Horn évoque le temps qui passe, la nécessité de connaître ses limites quand l’âge avance, d’adapter son rythme de vie, de courir 4 km au lieu de 12, il nous parle de son envie de reconstruire la Nature. Ses projets de reconstruire du corail, de nettoyer la mer. Oui, avec la maturité, on se rend compte que ces choses sont vitales.
En vivant 85 ans, on vit environ 30 000 jours. Autre sensation de vie quand on l’imagine en jours et non en années. Plus libre, plus proche, plus intime avec un champ des possibles qui se redessine à chaque aurore, entre puissance et fragilité. Redonner une valeur à chacun de ces jours, les rendre soudain précieux.
Mais qui c’est cet homme-là qui a encore la forme au point de tenter la semaine prochaine, pour la troisième fois, l’ascension du K2 ? La précédente expédition, il a rebroussé chemin à 200 mètres du sommet. La neige ne tenait pas. Le danger était trop grand. Un autre groupe s’est obstiné ce jour-là et n’est jamais revenu. Rester vivant.
Après deux heures intenses de confession, de mise à nu, d’incitation à être meilleur, l’aventurier termine son exploration de ce qui fait la grandeur de l’homme par ces mots :
« La discipline permet de faire des choses dans la vie. Je suis un type discipliné. »
Le Grand Rex est plein à craquer de public et d’émotion.
Standing ovation pour Mike Horn.
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